jeudi 23 septembre 2010

A propos du scholium de megilat taanit

Megilat Taanit, le rouleau du jeûne (מגלית תענית) est un texte araméen datant de la fin de l’époque du Second Temple qui a été augmenté d’un commentaire en hébreu compilé tardivement (au minimum, à partir du VIIe siècle, mais probablement bien plus tard encore) et qui est appelé scholium (en hébreu סכוליון). Deux hypothèses majeures ont été avancées sur l'origine de ce scholium :
1) il s'agirait d'une création tardive médiévale, originale et sans lien avec aucune tradition antérieure.
2) elle serait réellement tannaïtique, voire contemporaine du second temple. En effet, environ la moitié des éléments disposent de parallèles dans des midrashim ou des passages talmudiques antérieurs.

Selon Vered Noam (ורד נעם - מגילת תענית, הנוסחים, פשרם, תולדותיהם), il existe au moins deux versions du scholium, représentées par les manuscrits d'Oxford et de Parme, le premier véhiculant des traditions s'apparentant au TB, le second au TJ. Deux pôles : l'un plus babylonien, l'autre plus israélien. La version imprimée n'est en fait qu'un mélange de ces deux traditions fortement influencé par la lecture du Talmud de Babylone.

Chacune de ces deux traditions, représentées par deux manuscrits, est cohérente et homogène du point de vue de la rédaction. Un certain nombre d'éléments n'a pas d'antécédents dans la littérature rabbinique, mais plutôt dans la littérature intertestamentaire, comme le livre des Maccabées, ou chez des historiens du premier siècle comme Philon ou Josèphe. La vraisemblance voire la consistence de certains détails permet d'authentifier leur ancienneté.

Vered Noam souligne que le texte Megilat Taanit qui a été diffusée dans le monde ashkénaze et jusque dans l’édition critique de Lichtenstein, est en réalité une version hybride issue de deux manuscrits, mélangés et corrigés avec des éléments du TB. En réalisant la critique textuelle des deux versions des manuscrits de Parme et d’Oxford, elle montre la cohérence historique des sources du Second Temple (Josèphe, Qumran, littérature intertestamentaire), avec les faits décrits dans Megilat Taanit[1], la solidité philologique du caractère tannaïtique du Scholium dans son ensemble, et l’existence des traditions de Megilat Taanit comme source de plusieurs passages talmudiques


[1] V ered Noam, Megilat taanit, pp. 23-24, Jérusalem 2003 [en hébreu] cf. également Teugels, Lieve Ulmer, Rivak Recent Developments in Midrash Research, Vered Noam p. 55 http://books.google.fr/books?id=9tIg8foYA1QC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

Le sein d'Abraham

L'article "Sein d'Abraham" de wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Sein_d%27Abraham donne un certain nombre de sources intertestamentaires faisant référence à une possible théologie du sein d'Abraham comme séjour des morts, mais aucune de ces sources ne comporte pourtant pas l'expression "sein d'Abraham".

Ils affirment également que "Plus tard, les sources rabbiniques conserve aussi plusieurs traces de la notion d'un sein d'Abraham".
Les référence à l'appui sont très évasives : "Lightfoot, J. Horae Hebraicae et Talmudicae 1671" et "Ginzberg, Die Sagen der Juden trad. Legends of the Jews. 1909". De plus, il s'agit à l'évidence de sources de seconde main, voire qui ne citent pas leurs sources!

Essayons donc de les retrouver.

Tout d'abord l'expression חיק אברהם construite telle qu'en hébreu biblique et adoptée par Delitzch sur la base d'une comparaison entre le texte massorétique et la LXX de Lm 2,12 ne donne aucun résultat comme "expression clé" dans une recherche dans les textes rabbiniques. Il faut en effet employer la tournure mishnique "son sein qui est à Abrahm" חיקו של אברהם pour commencer à trouver des résultats. On trouve ainsi :
1) dans le midrash rabba sur les lamentations (Eikha rabba), édition Buber:

אמרה לו אמו בני אל ירך לבבך ואל תחת, אצל אחיך אתה הולך, ואתה ניתן בתוך חיקו של אברהם אבינו, ואמור לו משמי, אתה בנית מזבח אחד ולא הקרבת את בנך, אבל אני בניתי שבעה מזבחות והקרבתי את בני עליהם, ולא עוד אלא דידך ניסיון, ודידי עובדין, ...
(
איכה רבה (בובר) פרשה א)

Sa mère lui dit (à Isaac) : que ton coeur ne se disolve pas et ne défaille pas, tu vas vers tes frères (ton frère ?), et tu es donné à l'intérieur du sein d'Abraham notre père, et dis-lui en mon nom : tu as construit un autel unique et tu n'as pas sacrifié ton fils, mais moi, j'ai construit sept autels et j'y ai sacrifié mon fils, ainsi c'est pour toi une épreuve et pour moi une oeuvre.

2) dans le Talmud de Babylone (TB) Kidushin 72b

היום יושב בחיקו של אברהם היום נולד רב יהודה בבבל
Aujourd'hui, il est assis dans le sein d'Abraham, aujourd'hui est né R. Yehouda à Babylone.

Malheureusement, dans aucun de ces deux passage l'expression n'a le sens de "séjour des morts" ou de "limbe de Pères" comme il semble l'acquérir par la suite dans la tradition chrétienne, en référence à l'évangile du "riche et du pauvre Lazare" (Lc 16,19 et suivants). Dans le passage du TB, cette expression désigne les genoux du "parrain" qui tient l'enfant lors de la circoncision, en référence à Abraham qui fut le premier circoncis. C'est en tous l'explication que fournit Rashi. Dans le passage de Eikha Rabba, il s'agit simplement du giron d'Abraham dans lequel Isaac marche lorsqu'ils partent ensemble, père et fils, vers le lieu du sacrifice désigné par Dieu. C'est peut-être la raison pour laquelle, la Bible des Peuples, adopte dans sa traduction de Luc 16 la tournure "dans le manteau d'Abraham" au lieu du "dans le sein d'Abraham".

Ces deux textes sont plutôt tardifs. Eikha rabba contiendrait du matériau d'origine judéenne, comme son grand frère Bereshit rabba, tandis que le TB est comme son nom l'indique d'origine babylonienne. Ces différences d'origines expliquerait les sens différents d'une même expression. Quoiqu'il en soit, il est hasardeux d'affirmer que l'expression apparaissant dans Luc, qui désigne à l'évidence le séjour des morts, ait pu avoir une quelconque preexistence dans la tradition juive. Les occurences dans la tradition rabbinique de corroborent pas le sens de l'expression évangélique et ne s'accordent même pas entre elles. Tout au plus peut-on tenter de trouver dans l'ancien testament ou les écrits intertestamentaires du matériau théologique ayant pu servir à l'élaboration de l'expression "sein d'Abraham" comme désignant le séjour des morts.

Il resterait à sonder le targum et d'autres traditions (Qumran ?) pour tenter de trouver quelque appui du côté du judaïsme du Second Temple, mais il est probable aussi que cette expression émane d'une théologie purement chrétienne visant notamment à expliquer dans quel "endroit" de l'au-delà se trouvaient les justes morts avant la résurrection du Christ. Abraham, le premier juste par la foi selon la théologie paulinienne (Romains, Galates) représenterait l'archétype du saint pré-chrétien et de ce fait, accueillerait dans son sein tous les justes en attente de la résurrection finale inaugurée par le Christ.

mercredi 8 septembre 2010

Does Birkat ha-minim still exist in current siddurim?

The blessing of the Minim is the 12th blessing in the Amida prayer. There are many variants according to the version of the siddur you use. I have taken three different versions from the online siddur, and only the yemenite and sefaradi versions includes the word "minim". Ashkenazi version only has the word "malshinim", that can be translated as "delators".
Yemenite version (full text of Shaharit here: http://www.onlinesiddur.com/shac/edut/text.php )
לַמִּינִים וְלַמַּלְשִׁינִים אַל תְּהִי תִקְוָה וְכָל הַזֵּדִים כְּרֶגַע יאבֵדוּ. וְכָל אויְבֶךָ (סמאל) וְכָל שׂונְאֶיךָ (לילית) מְהֵרָה יִכָּרֵתוּ. וּמַלְכוּת הָרִשְׁעָה מְהֵרָה תְעַקֵּר וּתְשַׁבֵּר וּתְכַלֵּם וְתַכְנִיעֵם בִּמְהֵרָה בְיָמֵינוּ:
בָּרוּךְ אַתָּה יָהָוָהָ , שׁובֵר אויְבִים וּמַכְנִיעַ זֵדִים

Ashkenazi version (full text of Shaharit here: http://www.onlinesiddur.com/shac/ashk/text.php )
וְלַמַּלְשִׁינִים אַל תְּהִי תִקְוָה. וְכָל הָרִשְׁעָה כְּרֶגַע תּאבֵד. וְכָל אויְבֵי עַמְּךָ מְהֵרָה יִכָּרֵתוּ. וְהַזֵדִים מְהֵרָה תְעַקֵּר וּתְשַׁבֵּר וּתְמַגֵּר וְתַכְנִיעַ בִּמְהֵרָה בְיָמֵינוּ. בָּרוּךְ אַתָּה ה', שׁובֵר אויְבִים וּמַכְנִיעַ זֵדִים:

Sefaradi version (http://www.daat.ac.il/DAAT/sidurim/sfarad/hol/shaharit.asp#5)

וְלַמַּלְשִׁינִים אַל תְּהִי תִקְוָה. וְכָל הַמִּינִים כְּרֶגַע יאבֵדוּ. וְכָל אויְבֵי עַמְּךָ מְהֵרָה יִכָּרֵתוּ. וְהַזֵדִים מְהֵרָה תְעַקֵּר וּתְשַׁבֵּר וּתְמַגֵּר וּתְכַלֵּם וְתַשְׁפִּילֵם וְתַכְנִיעֵם בִּמְהֵרָה בְיָמֵינוּ:
בָּרוּךְ אַתָּה ה'. שׁובֵר אויְבִים וּמַכְנִיעַ זֵדִים:
There are many other versions of this blessing, that was never unified and adapted to the context. The word "Minim" was not kept by Jews from christian lands because Christians thought it means specifically "Christian". The modern critics has shown that this word doesn't apply apply to Christians, but among others, to Judeo-Christians. The version found in the Cairo Guenizah showed the words Nozrim (Nazareens) and Meshumadim (traitor) added to the word Minim, which clearly means, that Judeo-Christians were condamned by this blessing at this time. There might be also other old versions in Saadia Gaon's Siddur and Mahzor Vitry.