jeudi 2 janvier 2020

Dans le Gloria, comment doit-on traduire "bonae voluntatis" ?


Quelle est la bonne traduction de "bonae voluntatis", expression qui apparaît dans l'hymne du Gloria ? "Aux hommes de bonne volonté" ou bien "aux hommes qu'il aime" ? Qui a raison : le latin ou la traduction liturgique ?

La première phrase du Gloria est une citation de l'hymne des anges à la naissance de Jésus en Luc 2,14. L'original est donc en grec et non en latin. De plus, le grec traduit vraisemblablement une idée originalement en hébreu.

Le grec dit ἀνθρώποις εὐδοκίας. Anthropois eudokias. Aux hommes de "l'eudokia" et c'est ce terme qui est traduit par bonae voluntatis en latin. C'est ce terme qui est compliqué à traduire et qui signifierait à la fois "bon plaisir" et "bonne volonté"... ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
Une discussion sur un blog montre les variantes et discutent du sens.

En définitive, peu importe la signification exacte du mot grec car de toute façon il s'agit d'un calque évident de l'hébreu רצון. ratzon. Le mot ratzon signifie en hébreu biblique "bon plaisir", "agrément" et désigne l'état de quelqu'un qui est agréé, qui a trouvé grâce, qui est aimé, apprécié.
Tel que dans Ps 51,18
כִּ֤י ׀ לֹא־תַחְפֹּ֣ץ זֶ֣בַח וְאֶתֵּ֑נָה ע֝וֹלָ֗ה לֹ֣א תִרְצֶֽה׃

Ici לא תרצה ne signifie pas "tu ne veux pas", mais "tu n'agrées pas", tu ne trouves pas ton plaisir dans un sacrifice d'élévation. Mais le sens de רצה et de רצון en hébreu évolue avec le temps et en hébreu mishnique et rabbinique il signifient alors "vouloir" et "volonté". Il s'agit d'une évolution sémantique naturelle ou alors d'une différence dialectale.

Il semble donc que saint Jérôme avait bien conscience de l'hébreu original sous-jacent au texte grec et peut-être même avait-il sous les yeux un texte hébraïque de l'évangile de Luc. En tous cas, il choisit de traduire ratzon רצון non pas par "bon plaisir", mais par "bonne volonté". Des latinistes pourraient me dire si voluntas peut aussi avoir le sens de plaisir ou d'agrément. C'est en tous ça se un curieux phénomène de traduction. Soit Jérôme à conscience de la polysémie de ratzon et veut la conserver, soit il fait un contresens influencé par l'hébreu plus récent.

En tous cas, la traduction liturgique suit l'original grec et l'hébreu sous-jacent et c'est donc cette version "aux hommes qu'il aime" qui convient même si on préférerait davantage "aux hommes qu'il agréé" ou "aux hommes de son bon plaisir".