vendredi 12 mars 2021

Arbre à fruits, arbre-fruit et le goût de l'Etrog

Notes sur Gn 1, 11 עֵ֣ץ פְּרִ֞י

Cette expression עץ פרי עושה פרי "un arbre à fruit faisant du fruit" peut être lu aussi comme "un arbre-fruit qui fait du fruit". On trouve un midrash qui confirme cette lecture "arbre-fruit", où l'arbre est tout entier comestbile : il s'agit d'une situation future (עתיד להיות נאכל = qui sera mangé dans le futur), donc plus d'une intention divine initiale sur la création.

Sifra (midrash sur le Lévitique) parasha Behuqotay 1,5
ספרא בחוקתי פרק א,ה

  מנין שהעץ עתיד להיות נאכל? 
תלמוד לומר "עץ פרי";
D'où sait-on (de quel verset apprend-on) que l'arbre (entier) sera mangé dans le futur ?
La Torah dit (talmud lomar l'étude dit ou tilmod loma "apprends à dire") : un arbre à fruit / un arbre fruit

 אם ללמד שהוא עושה פרי, והלא כבר נאמר "עושה פרי"!?
si c'est pour t'enseigner qu'il fait du fruit, n'est-il pas déjà dit "qui fait du fruit" ?

 אם כן למה נאמר "עץ פרי"?
si l'en est ainsi pourquoi est-il dit "arbre fruit" (pourquoi y a-t-il cette addition ? que nous apprend-elle de plus ?)

 אלא מה פרי נאכל, אף העץ נאכל.
 Que si le fruit est (certes) mangé (mangeable), l'arbre aussi est mangé.

 L'idée exégétique rabbinique qui sous-tend ce raisonnement est que la Torah, la parole de Dieu, ne peut pas se répéter simplement par souci esthétique littéraire et qu'aucun mot ne "sert à rien". Si donc il est déjà écrit que l'arbre produit du fruit et que la Torah prend la peine de préciser plus loin arbre-fruit, ce n'est pas pour redire la même chose (l'idée de arbre à fruit), mais apporter une idée nouvelle : celle que l'arbre lui-même serait un fruit qui se mange.

Nous allons maintenant confronter ce midrash a un autre verset :

jeudi 4 mars 2021

De quoi la Ménora est-elle le symbole ?

 source

יש סברה כי צמח מרוות ירושלים שימש כהשראה למנורת המקדש. זה צמח לא מרשים במיוחד שגובהו פחות ממטר, המשמש כצמח מרפא. יש הקושרים את השם "מרווה" להר המוריה. שמו הלטיני של הצמח, Salvia, נגזר מ-Salvere, "להושיע", ויכול לרמז על קשר לרפואה – או לישו.

מחבר ספר שמות מצמיח שפע ניצנים ופרחים על ענפי המנורה, כדי להסוות את העובדה שהיא לא הדבר האמיתי. המנורה היא תחליף, או סמל, של העץ הקדוש ששכן בתוך המקדש – אולי אותו עץ ששכן פעם בתוך הגן.

Une opinion dit que la sauge hiérosolymitaine servit de source d'inspiration pour la confection de la Ménora du Temple. Il s'agit d'un végétal peu impressionnant d'environ un mètre de haut aux propriétés médicinales. Certains relient le mot "marva" (non de la sauge en hébreu) au mont Moriah. Son nom latin est Salvia qui provient de Salvere, sauver, qui fait peut-être allusion à la guérison ou à Jésus.
L'auteur du livre de l'Exode fait fleurir une multitude de boutons et de fleurs sur les branches de la Ménora afin de masquer le fait que ce n'est pas la Ménorah l'objet réel (présent dans le Temple). La Ménora n'est qu'un substitut ou un symbole de l'arbre de sainteté qui était présent au milieu du Temple, peut-être ce même arbre qui fût autrefois au milieu du Jardin.

dimanche 28 février 2021

Talmud de Babylone, Berakhot 35a, chapitre 6 : comment bénit-on ? כיצד מברכין

 Notes brutes sur la lecture de l'analyse de Moshé Benowitz (en vente ici : כיצד מברכיון משה בנוביץ).

p.6-7

Début de la guemara sur le ch. 6. D'où sait-on qu'il faut faire des bénédictions AVANT de manger ?

En général, l'expression מנא הני מילי "d'où proviennent ces paroles" introduit une réponse qui se trouve dans un midrash halakha. Ici également, la réponse est une baraïta appuyant R. Akiva commençant par תנו רבנן קדש הלולים qui laisse entendre que la bénédiction avant le repas (et plus généralement les ברכות הנהנים les bénédictions de jouissance d'un bien) serait mi-dé-orayta. Une  étude rapide de la halakha en vigueur à l'époque du second temple (Qumran, Philon, les Evangiles) montre que la bénédiction AVANT le repas était le seule en usage et non la bénédiction après le repas (ברכת המזון).

vendredi 12 février 2021

Lévitique 19,5 - Quand vous offrirez à l'Eternel un sacrifice d'actions de grâces, vous l'offrirez en sorte qu'il soit agréé (Segond)

Vous ne comprenez rien à la traduction en français ? On retourne à l'hébreu et on vous explique la logique de ce verset ! 

Lévitique 19,5

  וְכִ֧י תִזְבְּח֛וּ זֶ֥בַח שְׁלָמִ֖ים לַיהוָ֑ה לִֽרְצֹנְכֶ֖ם תִּזְבָּחֻֽהוּ  

Traduction plus littérale : lorsque vous sacrifierez un sacrifice de Shélamim à YHWH, pour votre agrément (ratzon) vous le sacrifierez.

Le nom du sacrifice "shélamim" vient de shalom, la paix et est parfois appelé "sacrifice de communion". Rashi l'explique sur Lévitique 3,1 chapitre consacré à ce type de sacrifice.
שלמים. שֶׁמְּטִילִים שָׁלוֹם בָּעוֹלָם; דָּ"אַ: שְׁלָמִים שֶׁיֵּשׁ בָּהֶם שָׁלוֹם לַמִּזְבֵּחַ וְלַכֹּהֲנִים וְלַבְּעָלִים (ספרא):
"Sacrifice qui apporte la paix, Autre chose: shlamim car il a la paix (la communion) entre l'autel, les prêtres et les propriétaires (ceux qui apportent le sacrifice)."
Il s'agit en effet d'un sacrifice qui est mangé par les participants (contrairement à עולה élévation qui est consumé entièrement par le feu). Cf Lv 7,15 
 וּבְשַׂ֗ר זֶ֚בַח תּוֹדַ֣ת שְׁלָמָ֔יו בְּי֥וֹם קָרְבָּנ֖וֹ יֵאָכֵ֑ל לֹֽא־יַנִּ֥יחַ מִמֶּ֖נּוּ עַד־בֹּֽקֶר׃

Si on comprend cette idée de communion entre les participants, alors la seconde partie du verset Lv 19,5  לִֽרְצֹנְכֶ֖ם תִּזְבָּחֻֽהוּ devient plus claire. Ratzon, רצון signifie agréer le sacrifice, y prendre plaisir.
(pour l'évolution du mot רצה d'agréer à vouloir, lire l'article sur voluntatis dans le Gloria. )
Alors que beaucoup de sacrifices consistent à retrouver la paix avec Dieu, à ce que ce soit lui qui agrée, la particularité du shélamim est de retrouver la paix avec l'entourage. C'est ce que souligne le commentaire de Rashi :
לרצנכם. אפיי"צימנטו, זֶהוּ לְפִי פְשׁוּטוֹ; וְרַבּוֹתֵינוּ לָמְדוּ מִכָּאן לַמִּתְעַסֵּק בַּקֳּדָשִׁים שֶׁפָּסוּל, שֶׁצָּרִיךְ שֶׁיִּתְכַּוֵּן לִשְׁחֹט (זבחים מ"ז; חולין י"ג):
"pour votre agrément : apaisement (en vieux français dans le texte), littéralement. Et nos maîtres ont appris de ce verset que le mitaseq (celui qui agit sans intention) lors des sacrifices est disqualifié car il est nécessaire de manifester de l'intention (de la piété) lors de l'exécution du sacrifice (litt. l'égorgement).

On peut donc dire que l'invitation de Lv 19,5  est un rappel du sens profond du sacrifice de shélamim et que l'apaisement ou la communion entre les participants n'aura pas lieu sans une profonde intention et même volonté (sens plus tardif de ratzon) de leur part.