mercredi 14 avril 2010

Les Minim et les bergers de petit bétail

Etude de Tosefta Baba Metzia 2,33

הגוים והרועים בהמה דקה ומגדליה לא מעלין ולא מורידין. המינין והמשומדין והמסורות מורידין ולא מעלין.
(Pour) les païens et les bergers de petit bétail et ceux qui les élèvent : on ne les fait pas monter et on ne les fait pas descendre. (Pour) les Minim, les Meshumadim et les traîtres : on les fait descendre et on ne les fait pas monter.

D'emblée, on doit signaler que le contexte de cet enseignement est le suivant : une discussion sur les objets ou animaux perdus et les modalités de restitution à leur propriétaire (préséance, échanges monétaires, gratuits, etc). Baba Metzia est la seconde partie du traité sur les dommages (Neziqim) causés par l'homme à autrui.

Dans ce contexte, il est clair que l'affirmation "on ne les fait pas monter et on ne les fait pas descendre" concerne une bête domestique de petit calibre qui appartient à un berger, un païen, un Min, etc.


Cette baraïta contient deux éléments : une première assertion sur les païens (goyim) qui sont associés avec les bergers de petit bétail. בהמה דקה behema daqa, littéralement "bête domestiquée de petit calibre" est l'équivalent de l'hébreu biblique צאן tzon. La seconde concerne les Minim, les Meshumadim et les traîtres.


On observe une différence de traitement entre les païens et les bergers de petit bétail (juifs) d’un côté / les Minim, les Meshumadim (collaborateurs des Romains) et les traîtres, de l’autre.


Pour les bergers et les païens, la baraïta considère donc que si la bête est tombée dans le trou, c'est une punition réalisée par Dieu pour le mauvais comportement de ces bergers ou païens et donc qu'on n'a aucune obligation à retirer la bête du trou. Elle mourra dans le trou sans que personne n'ait pu la sauver. En revanche pour les Minim, les Meshumadim et les traîtres, on fait descendre la bête dans le trou. Les Rishonim se sont posé la question de savoir si le fait de faire descendre dans le trou n'était pas en soi une façon de mettre les mains pour tuer. Rashi dit qu'il s'agit plutôt de supprimer une échelle ou des marches qui permettent à l'animal de remonter. Par ailleurs, l'enseignement n'est pas assez précis pour savoir si cet ordre de ne pas faire monter ou ne pas faire descendre est un commandement ou simplement l'absence d'obligation. A ce stade, on peut dire seulement que l'attitude prônée est celle de l'indiférence envers le païen ou le juif qui cause des dommages en laissant paître ses moutons au mauvais endroit et en revanche une attitude plus hostile vis-à-vis des Minim, des Meshumadim et des traîtres.

On peut se poser les questions suivantes :
-    pourquoi les bergers de petits bétails sont-ils associés avec les païens (goyim) ?
-    est-ce que les Minim, les Meshumadim et les traîtres sont assimilables les uns aux autres ?
-    pourquoi les Sages préconisent-ils une attitude différente ? En quoi consiste cette différence d’attitude ? Qu’est-ce que cela nous apprend sur l’éthique rabbinique, la définition de l’identité dans le judaïsme rabbinique ? Y a-t-il une progression / des différences en fonction de l’époque, de la géographie ?

Pour tenter de répondre à ces questions, nous allons d'abord étudier les lois sur l'élevage du petit bétail.

Lois sur l'élevage du petit bétail

Mishna Bava Kama 7,7
אין מגדלים בהמה דקה בארץ-יש'. אבל מגדלים בסוריה ובמדברות שבארץ-יש'. אין מגדלים תרנגלים בירושלם מפני הקדשים ולא כהנים בארץ-יש' מפני הטהרות. לא יגדל יש' חזירים בכל מקום. ולא יגדל אדם את הכלב אלא אם כן היה קשור בשלשלת. אין פורסין נשבים ליונים אלא אם כן היה רחוק מן היושב שלושים ריס

On n’élève pas du petit bétail en terre d’Israël, mais on les élève en Syrie ou dans les déserts de la terre d’Israël. On n’élève pas des poules à Jérusalem à cause des choses saintes et des cohanim n’en élèvent pas en terre d’Israël à cause des puretés. Un juif (Israël) n’élève des porcs à aucun endroit. L’homme n’élèvera pas de chien mais seulement s’il est attaché à une chaîne. On n’étend pas des filets pour les colombes, mais seulement s’il on est distant d’un endroit peuplé de trente ris [selon Albeck 30 ris = 1km].


Cette mishna concerne donc l'interdiction d'élever du petit bétail (mouton, chèvres) en terre d'Israël, mais seulement dans les déserts. Le terme מדבר midbar signifie en réalité, non pas un désert au sens d'un endroit désolé et aride, mais un pâturage qui n'a pas été planté, ou ne pousse aucune récolte. On trouve déjà ce sens dans le livre de l'Exode (3) וינהג את הצאן אחר המדבר Moïse emmena son petit bétail par delà le désert (midbar). La mishna demande donc de s'abstenir de faire paître des moutons ou des chèvres dans une zone où les animaux pourraient causer, en broutant, des dommages aux récoltes. Les bergers de petit bétail qui ne respectent pas cette règle sont donc à juste titre considérés comme des voleurs puisqu'ils ne maîtrisent pas leurs bêtes qui broutent potentiellement les récoltes.

On peut donc émettre la supposition que si la Tosefta BM 2,33 associe les païens avec les bergers de petit bétail, c'est parce qu'ils sont suspectés tous deux de ne pas respecter la loi sur l'élevage du petit bétail en terre d'Israël. Ce qui est en jeu est donc bien l'attitude d'irrespect à l'égard des récoltes.

On trouve d'ailleurs dans la même Tosefata BM 2,11 :
ראה חמורו של גוי חייב ליטפל בו כדרך שמיטפל בשל ישראל


Si l'on voit un âne d'un païen (tombé dans un trou), on doit s'en occuper comme si on s'occuper d'un appartenant à un juif.


Pour l'âne, il n'y a aucune suspicion qu'il mange des récoltes comme le mouton ou la chèvre, c'est pourquoi il n'y a aucune raison de laisser une éventulle punition בידי שמים par l'intervention céleste, se réaliser.

Occurence de la baraïta à propos des commandements noachides TB Sanhédrin 57a

Nous allons maitenant voir comment cette baraïta est reprise dans un passage du TB Sanhédrin 57a qui présente une discussion sur les sept commandements noachides. La guemara s’attache à définir pour quel ou quels commandements les païens (fils de Noé) méritent la peine de mort.

Voici le texte selon le manuscrit "Jerusalem, Yad Harav Herzog , 1" :


והא כל היכא דאית ליה חיובא מיתנא קאתני דקתאני רישא "על שפיכות דמים
גוי בגוי וגוי בישראל חייב" ישראל בגוי פטור" התם היכי ליתני ליתני אסור לא מיתני
ליה" ליתני אסור ומותר"    והא תניא הגוים והרועים
בהמה דקה לא מעלין ולא מורידין

"Tout passage qui parle d’obligation de (peine de) mort, comme enseigné au début : à propos de l’effusion de sang : un païen envers un païen et un païen envres un juif, il est obligé. Un juif envers un païen, il est exempté.
Pour un cas semblable, qu’est-il enseigné ?
Il ne lui est pas enseigné "interdit", il ne lui est pas enseigné "permis", il est enseigné "interdit et permis".
On a enseigné dans une baraïta : (pour) les païens et les bergers de petit bétail : on ne les fait pas monter et on ne les fait pas descendre."

Lorsqu'un juif tue un païen, il n'y a pas d'obligation de lui appliquer la peine de mort. Le Talmud insiste sur la différence entre le couple obligé / dispensé (חייב / פטור) et le couple permis / défendu (מותר / אסור). La guemara ne nie pas la nécessité de la peine de mort, mais celle-ci est donnée בידי שמים par Dieu lui-même (comme l'expliqueront les commentateurs ultérieurs notamment Maïmonide), c'est-à-dire sans intervention de l'homme. Pour appuyer cette idée qu'il n'y a aucune intervention de l'homme dans cette mise à mort, mais que l'homme doit seulement ne pas empêcher "le ciel" d'agir, la guemara cite partiellement la baraïta qui est explicitée dans notre passage initial de la Tosefta : il s'agit de la partie concernant les païens et les bergers de petit bétail.

Il faut cependant noter un glissement de sens : alors que dans la Tosefta, la punition concerne la mort de la bête qui s'est perdue et est tombée dans un trou et dont le propriétaire est un païen ou un juif qui ne respecte pas la loi sur l'élevage du petit bétail, ici, il s'agit bien de la mort de l'homme, païen ou berger, tombé dans un trou. La baraïta est donc citée pour illustrer l'idée de בידי שמים par l'intervention céleste, opposée à בידי אדם par l'intervention humaine.

Autres citations de la baraïta dans le TB

Cette baraïta est citée également à deux endroits du traité talmudique Avoda Zara, sur l'idolâtrie. Etudions donc maintenant ces deux occurences.

TB Avoda Zara 13b
אשכחי' ר' יונה לר' אלעאי דקאי אפיתחא דצור. אמ' ליה. קתני בהמה תעקר. עבד מאי. עבד ישראל לא קא מיבעיא לי. כי קא מיבעיא לי עבד גוי. מאי. אמ' ליה. מאי קא מיבעי' לך. והתניא. הגוים והרועים בהמה דקה לא מעלין ולא מורידין.

"Rabbi Yona trouva Rabbi Ilaï qui se tenait à la porte de Tyr. Il lui dit : on a enseigné "la bête domestique sera détruite". Pour un esclave : pour un esclave juif, la question ne se pose pas pour moi. Mais la question se pose à moi pour un esclave païen. Il lui dit : quelle est la question qui se pose à toi ? (il répondit :) On a enseigné dans une baraïta : (pour) les païens et les bergers de petit bétail : on ne les fait pas monter et on ne les fait pas descendre."

Le contexte du TB Avoda Zara 13a concerne un questionnement sur les droits des esclaves achetés aux païens. La suite de la guemara montre que la question de Rabbi Yona sur la distinction entre esclave juif et esclave païen est sans fondement puisqu’un esclave païen acquis par un juif subit obligatoirement le giur, la conversion au judaïsme.

Dans ce passage aussi, Rachi indique que les « bergers de petit bétail » qui sont associés aux païens sont des israélites ‘voleurs’, c’est-à-dire qui laissent leur bétail brouter des champs qui ne leur appartiennent pas.
Rachi commente qu’il est interdit de tuer même un esclave païen, quand bien même il serait coupable de la peine de mort, c’est pourquoi il est dit « on ne le fait pas descendre » (sous-entendu dans le trou, afin de le tuer intentionnellement), mais on n’est pas non plus « obligé » de le tirer du trou. Seulement, « on ne le fait pas monter » (sous-entendu, il est interdit ou non-obligatoire de le secourir) : il mourra de sa propre mort, du fait d’être tombé dans le trou par lui-même.

Voici le passage de Rachi rappelant qu'il est interdit, de tuer '"avec les mains" même un esclave païen.
אין מורידין: אותן לבור להמית אותן בידים אלמא עבד גוי אסור להמיתו בידים.
"On ne les fait pas descendre : vers le trou pour les tuer avec les mains, en conséquence, il est interdit de tuer par les mains un esclave païen."


Dans ce passage il n’est donc pas non plus question de sauver ou de s’abstenir de sauver une bête, mais bien un homme, qu’il s’agisse d’un juif voleur ou d’un païen.
Dans ce dernier passage, il n’est pas fait mention des Minim, ni des meshumadim, les traîtres.


TB Avoda Zara 26a et b
סבר רב יוסף למימר. הא דתניא. הגוים והרועים בהמה דקה לא מעלין ולא מורידין. אסוקי בשכר שרי משום איבה. אמ' ליה אביי. יכיל למימר לי'. קאי ברי אאיגרא. אינמי. נקיטא לי זימנא לבי דואר.
תני ר' אבהו קמיה דר' יוחנן. הגוים והרועים בהמה דקה לא מעלין ולא מורידין. אבל המינין והמסורות והמשומדי' והאפיקורוסין מורידין אבל לא מעלין. אמ' ליה. אני שונה "לכל אבדת אחיך". לרבות את המשומד. ואת אמרת. מורידין. סמי מכאן משומד. ונישני ליה. כאן במשומד אוכל נבלות לתאבון כאן במשומד אוכל נבלות להכעיס. קסבר. אוכל נבלה להכעיס מין הוא.

"Rav Yossef a énoncé cet avis : « on a enseigné dans une baraïta : (pour) les païens et les bergers de petit bétail : on ne les fait pas monter et on ne les fait pas descendre ». Il est permis de les faire monter en l’échange d’une somme, à cause de l’hostilité. Abayé lui dit : il peut lui dire ‘lève-toi mon fils sur le toit’, ou encore : ‘je suis invité au tribunal local’.
Rabbi Abahu a enseigné devant Rabbi Yoḥanan : « (Pour) les païens et les bergers de petit bétail et ceux qui les élèvent : on ne les fait pas monter et on ne les fait pas descendre. Mais (pour) les Minim, les Meshumadim et les Epicuriens, on les fait descendre et on ne les fait pas monter. » Il lui dit : j’étudie (le verset) (Deutéronome 22,3) « de toute chose perdue par ton frère » (et je comprends) qu’il faut rendre au Meshumad et toi tu dis : il faut le faire descendre ? Il faut effacer (de la baraïta  le terme) ‘Meshumad’. Et on lui donne cette excuse : dans ce passage (biblique), c’est un Meshumad qui mange des carcasses parce qu’il a faim, et là (dans la baraïta), c’est un Meshumad qui mange des carcasses pour mettre en colère. Celui qui mange des carcasses pour mettre en colère est un Min."

On est ici en présence du phénomène de la « baraïta au nom d’un amora », (ici Rabbi Yoḥanan, amora d'Israël de la seconde génération), qui est décrit par Hanokh Albeck dans son Introduction aux deux Talmuds (חנוך אלבק, מבוא לתלמודים, תל-אביב תשכ"ט). On peut se demander s'il y aurait identité entre R. Yona et R. Yohanan citant la même baraïta en TB AZ 13b, en supputant une déformation de Yoḥanan en Yona.


Le passage du TB Avoda Zara 26a et b est une guemara qui traite des rapports entre juifs et païens sur des domaines de la vie courante où ils peuvent se trouver en contact l’un avec l’autre. La guemara commente une mishna sur la question de l’accouchement et de l’allaitement : une païenne peut-elle être la sage femme ou la nourrice d’un enfant juif ? Et inversement. C’est dans ce contexte que la baraïta est citée : d’abord dans sa version courte qui n’aborde pas la partie qui traite des Minim. Et ensuite, citée par Rabbi Abahu qui conteste l’idée qu’on ne sauve pas un meshumad, un traître. Le meshumad est ici considéré comme un juif perdu qui a le droit d’être aidé. Rabbi Abahu cite à l’appui un verset du Deutéronome 22,3 dans lequel il est commandé qu’une ‘chose perdue’ par un frère doit lui être retournée.

Si l’on s’en tient à la compréhension littérale du verset Deutéronome 22,3, il faut comprendre que אבידה aveda signifie ‘chose perdue’. Appliqué à la baraïta, ce terme concerne donc un animal tombé dans le trou et non le berger lui-même. Il y a aussi la possibilité que les Sages interprètent le mot אבידה aveda comme une ‘perte’ au sens de ‘perdition’ et qu’il s’agisse alors bien du berger qui est tombé dans un trou. Malgré tout, il semble préférable de penser que cette baraïta est comprise aussi dans son sens originel, celui de la Tosefta.


En tout état de cause, il faut noter que R. Abahu considère le Meshumad comme un juif qui doit être aidé et non sanctionné. On remarque aussi l'apparition du mot אפיקורוסים les épicuriens, absent de la version de la Tosefta. Il semble que R. Abahu isole le terme Meshumad, littéralement "détruit" pour identifier parmi la liste Minim, traîtres et épicuriens, celui d'entre eux qui reste encore le plus juif de tous et qui mérite d'être aidé. Cette réinterprétation de la baraïta et l'addition du terme אפיקורוסים, épicuriens renforce l'idée que le terme Minim a lui-même dérivé de son sens. A l'époque de composition de la baraïta, il ne fait nulle doute que le terme Minim est associé aux traîtres et aux meshumadim et désigne donc clairement des juifs. En revanche, à l'époque de Rabbi Abahu, amora d'Israël de la troisième génération (290-320) et éminent disciple de Rabbi Yohanan de la génération précédente (250-290), le terme Minim se retrouve davantage au côté des traîtres et des Epicuriens, c'est-à-dire du côté païen.

Une tradition de Rabbi Eliézer sur ce sujet

Il est également intéressant de fournir une tradition qui reprendre cette thématique de trou et de sauvetage, bien qu'elle ne cite pas explicitement la baraïta évoquée initialment. Cette tradition est rapportée en termes légèrement différents dans la Tosefta et le TB.

Tosefta Yevamot 3,9
אמ' להם. מהו לגדל בהמה דקה. מהו לגדל בהמה דקה. אמ' להם. מהו להציל הרועה מיד הזאב. מהו להציל הרועה מיד הזאב. אמ' להם דומה שלא שאלתם] אלא[ על הכבשה. ואת הכבשה מהו להציל. אמ' להם. דומה שלא שאלתם אלא על הרועה. פלני מהו לעולם הבא. ופלני מהו לעולם הבא. אמ' להם דומה שלא שאלתם אלא על פלני. ופלני מהו לעולם הבא. ולא שהיה ר' ליעזר מפליגן אלא שלא אמר דבר שלא שמע מימיו.
"Il [Rabbi Eliézer] leur dit : que signifie élever du petit bétail ? Que signifie élever du petit bétail ?
Il leur dit : que signifie sauver un berger de la main du loup ? Que signifie sauver un berger de la main du loup ?
Il leur dit : il semble que vous n’avez pas questionné si ce n’est à propos de la brebis. Et la brebis, qu’est-ce que cela signifie de la sauver ? Il leur dit : il semble que vous n’avez pas questionné si ce n’est à propos du berger ?
Et quelqu’un, qu’est-ce que cela signifie pour le monde à venir ? Quelqu’un, qu’est-ce que cela signifie pour le monde à venir ? Il leur dit : il semble que vous n’avez pas questionné si ce n’est à propos de quelqu’un et à propos de quelqu’un, qu’est-ce que cela signifie pour le monde à venir ?
Ce n’est pas que Rabbi Eliézer les séparait mais qu’il ne dit pas une seule parole qu’il n’ait entendu de toute sa vie [de la bouche de son maître]."

TB Yoma 66b

שאלו את ר' אליעזר. מהו להציל כבשה מיד הארי. מי סבירא לן הא דאמ' ר' שמואל בר נחמני אמ' ר' יונתן. כל היוצא למלחמת בית דוד גט כריתות כותב לאשתו. או לא. אמ' להן. לא שאלתם אלא על הרועה. ומהו להציל רועה מיד הארי
"Ils demandèrent à R. Eliézer : que signifie sauver une brebis de la main du lion ?
[nous sommes d’avis puisque R. Shmuel bar Nahmani a dit, R. Yohanan a dit : toute personne qui sort pour la guerre de la Maison de David doit écrire une lettre de divorce à sa femme. Ou pas.] Il (R. Eliézer) leur dit : vous n’avez pas posé de question, si ce n’est à propos du berger, et que signifie sauver le berger de la main du lion."


Dans la Tosefta, le contexte d'occurence est une discussion sur le mamzer dans la loi du lévirat (יבום yibum). Dans le TB, la question est celle de savoir que faire si, le jour de de Kippour, le bouc émissaire survit à sa chute.
Rabbi Eliézer ben Hyrcanos, tanna de la troisième génération et disciple de Rabban Yohanan ben Zakaï, répond d'une manière peu claire aux questions. Certains disent qu'il connaissait la réponse, mais ne voulait pas l'enseigner car elle ne figurait pas dans l'enseignement de son maître. Certains disent qu'en réalité, l'évocation de la brebis, puis du berger, du loup / lion est une allusion à l'histoire de David, Ouria et Batsheva (Bethsabée). La glose mentionnée entre crochets figure dans le manuscrit yéménite du Talmud, mais absent des éditions traditionnelles : elle renforce l'interprétation de Rashi concernant l'histoire de David et Ouria, puisqu'elle fait allusion à une lettre de divorce : Ouria aurait donc écrit une lettre de divorce qui légitime que Bethsabée se remarie avec David.

En tout état de cause, il est intéressant de constater que dans l'esprit de Rabbi Eliézer, la question de la brebis tombée dans un trou et liée à celle du l'homme tombé dans le trou.

Conclusion


Au terme de ce tour d'horizon, on peut tenter de répondre à quelques unes des questions initiales.

Les bergers de petits bétails sont associés avec les païens (goyim) simplement parce qu'ils enfreignent une règle de code civil qui veut les récoltes soient respectées.

Nous avons également constaté que les Minim, les Meshumadim et les traîtres sont considérés différemment selon l'époque. Les Minim sont à l'époque tannaïtique des éléments internes au judaïsme, mais se retrouve ensuite, au IIIe siècle, à l'extérieur de l'identité juive. Pour les Meshumadim, c'est le mouvement inverse : alors qu'ils sont associés aux traîtres et aux Minim à l'époque tannaïtique, ils sont en quelque sorte réintégrés à l'époque amoraïque. Il est intéressant de constater que ce double mouvement est également décrit par D. Jaffé dans "Le Judaïsme et l'Avènement du Christianisme", concernant les Minim et les Amé ha-aretz (עמי הארץ), ces derniers étant exclus à l'époque du Second Temple / tannaïtique et réintégrés dans le judaïsme, une fois son identité orthodoxe définie.

L'attitude différente des Sages envers les simples païens et les Minim est un phénomène constaté par ailleurs (notamment par rapport à la lecture des livres saints en posession d'un païen ou d'un Min).

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